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Chaud Cacao !!

Dernière mise à jour : 24 sept. 2022


L'alarme de mouillage retentit. Il est 2h36. Isis et moi tressaillons, je saisis mon téléphone et essaye de l'arrêter. En vain. C'est une alarme qui évoque l'imminence d'un bombardement. Nous sautons tous les deux de la couchette et montons au cockpit pendant que je redémarre mon téléphone pour éteindre la hurlante.

Dehors, rien ... le vent a simplement tourné. L'anse Notre Dame est calme et une brise légère s'est établie à l'Est. Rien d'autre à signaler. Nous nous recouchons, Isis maugréant sur ce réveil intempestif et cette alarme tonitruante inarrêtable. Il faudra que j'affine mes réglages. Par chance, Boris et les enfants ont le sommeil lourd ! Isis s'apaise, je ferme les yeux... un temps...On me secoue l'épaule, il est 4h45, Isis me dit que du vent s'est levé et que le bateau a beaucoup reculé. Par chance, Isis a le sommeil léger ! Nous sortons tous les deux. La brise qui s'était établie à l'est dans la nuit a nettement forci ; une quinzaine de nœuds. Le ciel au nord est barré de gros nuages électrisés d'éclairs. Ils doivent être au dessus d'Hyères. Boris nous rejoint au cockpit. Nous sommes tous les 3 en alerte.




Nous avions pris soin de ranger le cockpit la veille mais l'annexe est toujours à l'eau. Boris et moi la hissons sur le roof arrière, la dégonflons, la plions et la rangeons à sa place de croisière. Le vent forcit encore et passe les 20 nœuds. Nous faisons rapidement une mise au clair du pont, enfilons nos équipements de sécurité et scrutons l'orage approchant par le nord. Les rafales se succèdent et gagnent en intensité. Je relève trois points d'amers sur la côte toute proche qui me servent de point de repère si l'ancre venait à déraper. Je largue quelques brassées de chaîne supplémentaire pour augmenter la tenue de l'ancre. Mais je ne peux en rajouter trop car le vent nous pousse vers les rochers du fond ouest de l'anse.

Le bruit du dévidement de la chaîne réveille Loup et Marceau, qui ne tardent pas à pointer leurs frimousses au cockpit. Isis leur fait un topo bien qu'ils puissent constater de visu la situation. Ils enfilent leurs gilets et mettent leurs chaussures sans délayer.

Dans l'intervalle, Isis reçoit un texto de Christian, qui, lui aussi parti de Port Camargue, rayonne dans le secteur depuis le port d'Hyères. A 5h10 du matin, il nous demande si nous sommes debout, et s'inquiète pour nous au mouillage. Ils ont passé les 35 nœuds à Hyères, et même au port, ça souffle, il nous dit qu'il y a de la place si besoin, et de le tenir au courant si on décide de bouger. L'alarme de l'anémomètre se déclenche,


une rafale vient de passer les 30 nœuds. Le nez de Savitri est embarqué sur tribord, tirant sur la chaîne. L'ancre tient le coup. Quelques secondes s'écoulent puis l'alarme se déclenche une nouvelle fois. Savitri fait une embardée sur babord, 32 nœuds. Puis l'alarme ne cesse plus alors que la pluie commence. Je demande à tout le monde de descendre dans le carré, je descends également j'enfile ma veste de quart et met le plexiglas pour fermer la descente et empêcher la pluie d'inonder le bateau. Je lance le moteur et remonte au cockpit. La pluie est intense, mêlée de petits grêlons qui fouettent le visage. Les rafales passent les 35 nœuds, l'alarme bipe en continu.


Le nez de Savitri part d'un bord à l'autre sous l'effet du vent, tirant sévèrement sur sa chaîne, la barre à roue tourne toute seule en fonction du bord pris par Savitri. Je contrôle mes amers, l'ancre a l'air de tenir. Puis je me place au poste de pilotage, stabilise la barre et pose une main sur la manette des gaz, prêt à envoyer en marche avant si nous décrochons, les rochers derrière nous étant tout proches. Dans l'anse Notre Dame, tous les bateaux tanguent tirant sur leur ancre. Un voisin a pris l'option de lever l'ancre et se dirige vers le large. Son annexe qu'il tracte est plusieurs fois soulevée et se retourne comme une crêpe. Aucun bateau ne pointe plus dans la même direction. A trente mètres de nous, un type est dans son cockpit en peignoir bleu, il s'affaire mais je ne vois pas ce qu'il fait. La pluie s'intensifie avec la grêle, je n'arrive plus à regarder dans la direction du vent. Jetant un coup d'œil rapide à mes amers, je confirme que l'ancre tient toujours alors je décide de descendre dans le carré avec les autres et de couper le moteur. Nous verrons bien !

Je vais d'abord à tous les hublots pour vérifier mes points de repères et prends de nouveaux amers. Je me déleste de la veste de quart. Ca remue pas mal à l'intérieur mais tout le monde est calme et attend patiemment que ça se calme. A l'exception peut être de Strada, qui affiche une mine des plus blasées, sagement assise sur la banquette à côté de Loup. Puis nous improvisons un petit témoignage vidéo guignolesque pour détendre l'atmosphère. Ce faisant, je garde un œil sur les amers. Petit à petit, la grêle cesse, la pluie faiblit, et finit par cesser totalement, le grain s'éloigne nous laissant une mer peu agitée avec des rafales autour des 20 nœuds.


Remontés au cockpit, nous prenons la décision d'aller nous mettre à l'abri au port Saint Pierre d'Hyères où se trouve Christian.

Il est 8H40 quand je mentionne notre départ sur le livre de bord. 18/20 nœuds de vent. J'ai pris la précaution d'envoyer la trinquette génoise à la place du génois en cas de récidive orageuse. Isis a prévenu Christian de notre arrivée et il nous contacte plusieurs fois au cours des 3 ou 4 nautiques qui nous séparent du port. Il est allé à la capitainerie, nous a réservé une place, et s'enquiert de notre situation, en somme il est un peu notre ange gardien sur ce coup là.



Nous sommes plusieurs bateaux à faire route vers le port. A la VHF, nous entendons des appels vers la capitainerie, une demande d'escale pour avarie, une autre pour prise en charge d'un blessé à bord ... Nous passons devant un grand voilier d'une quinzaine de mètres en stationnaire dans le chenal et nous engageons dans le port à la suite d'un autre voilier sensiblement de notre tonnage. J'aperçois immédiatement Christian sur le quai de la pompe à essence. Il nous salue et nous dit que la place qu'il nous avait réservée vient d'être prise par le bateau nous précédant. J'avance à l'est du port à la recherche d'un place quand le zodiac de la capitainerie s'avance vers nous. Les deux jeunes boscos commencent par nous dire qu'il n'y a plus de place dans le port, mais considérant Loup, Marceau et Strada, ils finissent par nous demander les dimensions de Savitri : « On va vous trouver une place mais vous serez les derniers » Après deux allers retours dans le port derrière le zodiac, nous voici amarrés au « quai d'honneur », face aux restaurants. Il est 10H. Christian est là pour nous accueillir.


Après une accolade, je prépare les papiers du bateau et file à la capitainerie pour les formalités. Nous sommes invités à bord de Nissos ce soir pour un dîner préparé par Christian et sa fille aînée Joy.


Après le déjeuner, Isis, Loup, Marceau, Boris et Strada partent en courses de ravitaillement. De mon côté, je passe l'après midi à finaliser la mise en page du blog et des premiers articles. Il est 20h passées quand je publie enfin la première version de savitrifamily.


L'équipage est depuis un bon moment déjà à l'apéro sur Nissos. Boris attaque son deuxième Ricard quand j'arrive, il a les yeux qui brillent et est tout guilleret. Christian me propose un soda, il sait que j'ai décidé de ne plus boire d'alcool depuis plusieurs semaines.

Christian et Joy sont aux petits soins avec nous. Strada s'est allongée de tout son long sur le pont et nous passons un dîner délicieux dans le cockpit avec un gigot d'agneau comme je n'en n'avais pas mangé depuis longtemps.

Si ce n'est peut être celui de Jacqueline (la mère d'Isis) une semaine avant notre départ. Peut être ont ils tous deux en commun d'avoir été préparés avec beaucoup de cœur...


Nous nous séparons vers minuit, tous ravis de ce bon moment, en se donnant rdv peut être en Corse. De retour sur Savitri, nous nous couchons rapidement car il est question de tirer sur Calvi demain en fin de matinée. Mais vers 1h30, Isis et moi entendons des pas sur le pont. Quelqu'un est en train de monter sur le bateau. Je me lève rapidement et arrive dans le carré pour voir mon Christian passer la tête dans la descente (depuis le cockpit) et nous dire : « Je vous ai emballé l'épaule d'agneau que j'avais prévue en plus pour ce soir, et ça c'est des fromages de chez moi » Il nous tend deux paquets, nous salue et s'éclipse. Isis et moi restons cois comme sidérés par cette attention rare de nos jours et si généreuse. La grande classe mon Capitaine ! Nous nous remettons au lit après une légère réorganisation du petit réfrigérateur afin qu'il puisse accueillir l'épaule d'agneau.



Le lendemain, avant notre départ, en regard de la météo peu engageante, je prends contact avec mon frère Yann, skipper, qui est à Porto Vecchio sur le yacht Isis (ça ne s'invente pas!) pour avoir son avis. Sa réponse est sans équivoque : « Je sais pas si t'as eu les infos, mais c'est l'hécatombe en Corse, y'a des morts et des dizaines de bateaux sur les rochers, surtout à l'ouest de l'île et la Balagne. On a pris ici aussi, ça va, mais c''était chaud cacao ! »

Nous reportons la traversée au lendemain.

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