Les Origines de Savitri

Savitri n'est pas n'importe quel voilier ! Pour moi, il est presqu'une légende, issue de mon histoire intime, fruit d'une histoire familiale commencée avant ma naissance, et qui se poursuit aujourd'hui. Savitri était déjà là quand je suis née, j'y ai vécu quelques mois à différents âges avec mes parents et mon frère. Nous l'avons descendu au Grau du Roi à son port d'attache de port Camargue il y a 10 ans.

Au commencement, il y a une grande et belle histoire d'amour. La rencontre improbable en Afghanistan de la sœur de ma mère et du frère de mon père... et de fil en aiguille, Jacqueline et Hubert se croisent. C'est le coup de foudre immédiat. Et une histoire forte et lumineuse commence ! Leur mariage le 28 octobre 1972 précède de peu le début de la construction de Savitri. Il en faut de l'ardeur, du courage, et un brin de folie pour se lancer dans un tel projet. Construire un bateau en partant de rien... il en faut de l'inspiration, des rêves et des envies de liberté... L'idée de ce projet fou germe lors d'un voyage sur une Ile grecque, et reste symbolisé dans l''imaginaire familial par cette photo du couple devant une barque.

De retour à Lyon, ils s'embarquent dans l'aventure ! Jacqueline et Hubert choisissent l'acier pour la coque et des plans de Dominique Provins pour l'architecture du bateau. Savitri, qui signifie soleil en sanskrit, sera un voilier en cotre (2 voiles d'avant) de 10m99 par 3m48 avec un cockpit central offrant une belle sécurité et une cabine arrière confortable.

La construction de la coque débute à Caluire, en face de l'Ile Barbe, dans une ancienne écluse devenue port de constructeur amateur. Toute la vie du jeune couple se met à s'organiser autour du bateau. Ils achètent un petit appartement juste à côté, impasse de l'écluse à Caluire. Tout leur temps libre est consacré à la construction, et l'argent qu'ils arrivent à mettre de côté est investi dans les matériaux. La coque leur semblait une montagne, ils se rendront compte par la suite que c'était la partie la plus facile !! Ma mère est toujours présente sur le chantier, de près ou de loin, travaillant comme infirmière, faisant les courses et les piques niques et maniant les outils.

Beaucoup d'autres couples, devenus des copains, construisent des bateaux dans cette écluse. C'est une époque joyeuse, faite de camaraderie, et de solidarité. Il y a aussi le passage incessant des badauds, qui ne fait pas toujours gagner du temps!

La famille proche suivra de près le projet, certains y allant de leurs petits et grands coups de main. Mon grand père paternel, ébéniste, a participé à beaucoup de ce qui est en bois à l'intérieur de Savitri, nous lui devons par exemple le bel escalier de descente au carré ! Le frère de mon père, Joël, tourneur, a aussi aidé à faire certaines pièces en métal. Il était enseignant dans un lycée technique juste en face du bateau, à Lyon 9ème, et certaines pièces ont fait l'objet de travaux d'étude pour ses élèves. Les autres apportant leur énergie et leur bienveillance, inquiète pour mes deux grands mères (Josette et Lucienne), de les imaginer déjà partir en mer...

Le parcours est jalonné de moments forts en émotions. Le grutier fait une erreur de manipulation en retournant Savitri, et heurte son flanc; mon père doit ressouder !

Le moment de la mise à l'eau arrive. La famille et les amis sont là, et c'est Florence, nièce de ma mère, qui sera la marraine du bateau.

C'est en 1980 que Savitri se mettra à flotter, avec une belle ligne de flottaison, toujours appréciable aujourd'hui! Et c'est là que le plus dur et le plus long commence : la finalisation de l'intérieur du bateau. Comme mon père le dit lui même, il découvre tout, et fait les choses au bon sens et à l'intuition, une prouesse tant il y a à penser dans un si petit espace voué à l'autonomie en mer ; Toutes ces étapes de la construction restent floues et mystérieuses pour moi. Je sais seulement que ma naissance en 1981, puis celle de mon frère en 1985, a mis un léger coup de frein à l'avancée des travaux ! Je sais aussi que Savitri est habitable et quasiment terminé en 1990, puisque c'est cette année là que nous faisons un voyage de 6 mois tous les 4, descente du Rhône et vie au port du Grau du Roi. Il reste trop de choses à finaliser à cette époque pour s'aventurer en mer, et mes parents préfèrent nous consacrer leur temps. Mon frère et moi avons de merveilleux souvenirs de cette période, une aventure en soi ! Ma mère dit souvent qu'elle ne savait pas que les travaux seraient le voyage, mais que ce qui comptait pour elle, c'était de vivre des moments forts avec sa famille... pari gagné !!

Et puis, des années plus tard, il y a une autre histoire d'amour qui commence... Quand Brice et moi nous rencontrons en 2009, nous évoquons nos passés, et nos histoires entrent étonnamment en écho autour du bateau... Le grand père maternel de Brice, papi Mock, s'était lancé de son côté dans la construction d'un catamaran, Sayonara (au revoir en japonais), débuté à peu près la même année que Savitri. Brice a beaucoup navigué avec ce grand-père tant aimé entre ses 11 et ses 25 ans. Et puis, Sayonara a dû être vendu, et il a brûlé en 2008 à peu près lorsque papi mock s'est éteint... Brice m'a toujours dit qu'il reviendrait un jour à la mer ... De mon côté, la mer m'attire mais me fait un peu peur... je suis moins persuadée que lui... mais quand nous reparlons de nos désirs d'évasion, de l'envie de montrer autre chose aux enfants au moins pendant quelques mois, il y a comme une évidence... Il a le savoir faire... j'ai le bateau... On se lance !! Et nous voilà partis de notre petite ville de Cluny le 7 mars dernier, pour changer de vie, et nous embarquer avec Savitri.

Les enfants sont ravis, c'est un grand changement, qui leur demande aussi de l'énergie, une grande capacité d'adaptation, de patience et d'écoute, dont ils ont déjà fait preuve pendant les travaux, et qui les fera grandir on l'espère !

Après 5 mois de vie à bord, de travaux de préparation à la navigation, d'apprentissages pour l'équipage lors de petites sorties dans la baie du Grau du Roi, et un petit voyage test dans les îles du levant, nous avons mis le cap sur la Grèce le 14 août dernier, accompagnés par mon frère Boris pendant 3 semaines!!

Nous apprenons à connaître Savitri, à lui faire confiance, et c'est une nouvelle aventure qui commence, et l'histoire se poursuit !!