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Première Nav' : Enfin la fin !

Dernière mise à jour : 24 sept. 2022


Passé le phare de Planier, contraints par un plein vent arrière, nous tirons un bord vers le Bec de l'Aigle et La Ciotat. Nous filons bon train à 4 ou 5 nœuds quand je remarque que la commande des gaz est enclenchée en marche arrière, ce qui n'a, a priori, aucune incidence puisque le moteur est coupé. Je tente machinalement de la remettre en position neutre (oui c'est un toc!). Mais la manette reste bloquée, rien ne semble pouvoir la faire bouger. Je me glace. La commande des gaz est bloquée en prise arrière, le moteur est donc inopérant, nous sommes à un ou deux miles du Bec de l'aigle. Nous pouvons tirer sur La Ciotat, demander une assistance et un remorquage par VHF vers le port et voir ce qu'il se passe. Mais l'idée d'une panne aussi immobilisante avant la fin de notre première nav' me désespère instantanément. Les idées noires se mettent à me submerger. Je pense que c'est une panne d'inverseur (pièce mécanique qui correspond à peu près à la boîte de vitesse sur une voiture), une catastrophe ! Je nous vois en train de faire sortir Savitri de l'eau et repartir dans des semaines de travaux et d'attente de pièces. J'élude très vite la question du coût financier, nous n'avons pas les moyens d'une telle entreprise. Et c'est avec une sorte de rage désespérée que je me lance dans un diagnostic en mer à quelques miles de La Ciotat.


D'abord il faut vérifier si le mécanisme de la commande n'est pas endommagé et donc démonter le vaigrage, la cloison à l'intérieur de Savitri, du côté de la coursive à bâbord. Une vingtaine de vis à enlever … Evidemment le petit tournevis idoine n'est pas à sa place, je râle. Isis se met à le chercher, je prends la boîte multi outils et commence à dévisser. Le bateau bouge, je suis stressé et j'y arrive mal mais deux douzaines de jurons après, et avec l'aide d'Isis et de Boris, le vaigrage est enlevé. Boris et moi jetons un œil, tout semble à sa place, mais quand nous essayons de le mobiliser, rien ne bouge. Le problème vient de plus loin : L'inverseur.


Je fonce dans la cabine arrière où se trouve la trappe donnant accès à cette partie du moteur. La commande est effectivement bloquée en marche arrière. Les câbles la reliant à la manette sont intacts. J'appuie dessus, elle bouge un peu mais pas suffisamment pour revenir au point mort. Je ne comprends pas. J'ouvre machinalement le bouchon de la jauge d'huile, le niveau me semble bas mais j'y vois mal, le bateau bouge, le joint torique du bouchon tombe sur le trou de la jauge. J'essaie de le récupérer du bout d'un doigt mais je bascule et mon doigt le pousse et l'envoie au fond de l'inverseur. Cris de rage et jurons fusant du fond de la cale. Ce faisant, j'appuie le bout de la jauge cylindrique sur le bloc de l'inverseur. Je tente à nouveau d'appuyer au niveau de la commande, toujours rien. Je remonte dans le cockpit. Isis, qui à l'ordinaire a tendance à plus stresser que moi, est étonnamment calme. Ca me rassure. Nous faisons le point : Le moteur a tourné 2h en tout début de journée sans aucun souci. Nous avons positionné la manette au point mort, comme d'habitude au moment de l'arrêt. Nous nous approchons du bec de l'aigle, encore un mile, et il faudra virer de bord pour éviter les brisants. Je redescends vers la cale moteur. Je passe ma main sous l'inverseur et constate que j'ai de l'huile sur les doigts. Une fuite !! Retour au cockpit.

Une théorie émerge : l'inverseur manquant d'huile a serré au moment où on arrêtait le moteur. Si l'inverseur a serré, cela voudrait dire qu'il faudra le changer. L'idée me mine profondément. Je redescends encore une fois, fébrile, le souffle court et envoie une bonne rasade d'huile dans le bloc inverseur et referme le bouchon sans le joint. Une dernière fois, je pousse avec la main sur la commande, toujours rien. C'est alors que dans l'abattement le plus total je me souviens de la phrase d'Hubert (mon beau père et constructeur du bateau) lorsque nous démontions ensemble le vieil arbre d'hélice en avril dernier : « Le marteau est l'âme de la mécanique »

  • « Boris, tu peux m'apporter le marteau !! »

Et nous voilà, Loup et Marceau veillant aux bateaux en route de collision éventuelle, Isis tirant légèrement sur la commande au cockpit, Boris éclairant la cale moteur avec sa frontale, et moi tapotant sur la commande de l'inverseur. La stratégie fonctionne. Les deux commandes reviennent au point mort, puis sous les petits à coup du marteau, en marche avant. A la main, je fais revenir la commande au point mort, puis en marche arrière, puis au point mort puis en marche avant. Moteur éteint, ça fonctionne. Il ne reste qu'à démarrer le moteur et tester pour de bon. Je remonte au cockpit.


La manette des gaz s'enfonce correctement lorsque j'appuie dessus, débrayant ainsi et permettant de démarrer sans faire intervenir l'inverseur. Nous lançons le démarreur et le moteur ronfle. Jusqu'ici tout va bien, même si le bec de l'aigle commence à être vraiment proche. J'inspire un grand coup avant d'enclencher la marche avant. Si l'inverseur a serré, soit le moteur va s'étouffer, soit l'inverseur va casser en faisant un bruit de ferraille dans une lessiveuse. Je pousse la manette... clac, il s'enclenche normalement. Je vais jeter un œil à l'arrière mais je ne vois pas de remous d'hélice à cause de la vitesse de Savitri sous voiles. Retour au poste de pilotage, manette au point mort, puis arrière... clac, le nez de Savitri part sur tribord, signe que l'hélice tourne correctement. Ouf, ça marche. Tout l'équipage se met à son poste pour virer de bord tout près du bec de l'aigle. Finalement, nous irons bien jusqu'aux Embiez, où nous arriverons à 20H20, après encore deux bordées grand largue, rompus de fatigue.




Bilan de la première nav' : 90 miles nautiques en 21H et une jolie frayeur, qui après analyse, est certainement due à un manque de graissage entre la manette et les cables, et non pas à une fuite d'huile comme je l'avais cru. L'huile sur mes doigts était celle que j'avais moi-même déposée en sortant la jauge... !


Marceau est le premier à se jeter à l'eau aux Embiez, à l'abri du petit Rouveau, immédiatement suivi par Strada, puis tous les autres. Je me trempe mais grelotte tout de suite. Une soupe et au lit !



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2 Comments

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Unknown member
Sep 06, 2022

Merci à vous de nous suivre et de nous envoyer toute votre belle énergie! On vous embrasse fort!

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Unknown member
Sep 06, 2022

MAGNIFIQUE!! BRAVO!!!

Merci pour ces écrits qui nous font voyager avec vous sans les angoisses sur place dans les coups durs...Merci, c’est une immense joie de vous voir si heureux!! Merci, on a hâte de connaître la suite des aventuriers, bises à chacun,,chacune et gros câlin à Strada😘✨

xlke, ana et jeff

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